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Une approche aristotélicienne de la RESPONSABILITE

Dans son usage courant, la responsabilité désigne une libre prise en charge d?une décision, d?une action : je me reconnais responsable de tel acte, de telle décision que j?ai prise ; j?aurais pu faire autrement ; je m?impute cette décision et cet acte. De même, j?engage ma liberté dans l?acte que je pose présentement et j?en assume jusqu?à un certain point les conséquences. La connotation juridique du thème n?est pas de cette conception : en effet, « la responsabilité désigne le fait pour une personne (physique ou morale) d?être tenue de certaines obligations, en conséquence de certains actes qu?elle ai reconnue avoir accomplis ».
Voyons maintenant ce que pense Aristote de ce concept.
Dans l?Ethique à Nicomaque, Aristote présente la justice comme sur l?égalité. Selon le philosophe grec, l?égalité des citoyens repose sur un équilibre strict à respecter dans les échanges inter-citoyens. Lorsqu?il est rompu, cet équilibre conduit alors inexorablement à l?injustice. L?injustice pour Aristote serait le fait de l?inégalité se manifestant entre le fait délictuel ou illicite (excès à l?avantage du délinquant qui s?attribue plus que de droit) et le préjudice qu?il occasionne (la perte subie par la victime). Selon lui, ce déséquilibre provoqué par l?injustice nécessite précisément l?intervention du droit. Ce dernier doit effectivement s?établir en tant qu?arbitre dans la confrontation entre les deux parties opposées, afin de résoudre le problème et permettre un retour à l?équilibre. Aristote considère le déséquilibre provoqué par l?acte délictueux comme étant le pré-requis au recours au principe de responsabilité, et en l?occurrence à la responsabilité pénale. La responsabilité de l?auteur de l?injustice est de ce fait conçue dans la conception aristotélicienne comme le devoir d?assumer les effets d?une compensation, d?une réparation sous la forme d?une peine ou d?une sanction, ou encore comme l?acte de réhabilitation à l?égard de l?égalité perdue.
Dans cette perspective, la loi et ses mesures égalitaires sont comparées par Aristote à une sorte de monnaie. A l?instar de cette monnaie, le droit propose une réponse compensatoire à l?injustice en recourant au principe d?égalité. Toute fois, la désignation juridique de la responsabilité d?un individu, laquelle implique l?obligation d?avoir à répondre de ses actes, nécessite également, pour Aristote, le concours de la notion de libre arbitre. Être responsable suppose, en effet, la liberté de l?individu. Aussi, l?attribution de toute responsabilité suggère que ce dernier, auteur du crime ou du délit, a agit de son libre arbitre ; en d?autres termes, qu?il était considéré, au moment des faits, libre du choix de ses actes et non soumis à priori à aucune autorité indépendante de sa volonté. A ce propos, Aristote introduit les termes akôn et ekôn pour désigner respectivement l?absence de consentement et la présence de consentement. Il associe également à ces termes la distinction entre le volontaire et l?involontaire. D?une part, le volontaire conjugué au libre arbitre aboutira incontestablement à la constitution juridique de la faute et ainsi aux mécanismes juridiques de la responsabilité. L?individu demeure dans cette première perspective conscient du fait de ses actes et agit en connaissance de cause. D?autre part, l?involontaire implique, selon Aristote, l?effet de la contrainte ou de la nécessité, lequel, lorsqu?il est mis en évidence, dégage l?individu de sa responsabilité et ainsi de son obligation à répondre de son comportement, l?individu ayant alors agi contre son consentement, et, donc, malgré lui. L?absence de culpabilité relève dès lors, selon Aristote, d?une cause située hors de l?individu. Que dire des passions ?
Aristote résout ce problème en minimisant l?effet des passions. Selon lui, ces dernières, bien que pouvant modifier le degré de liberté propre à la volonté de l?être humain, ne peuvent en aucun cas changer la nature de cette liberté. L?individu reste, par conséquent, et bien qu?en prise aux passions, conscient de ses actes. Le principe de responsabilité doit par conséquent s?exercer sans contrainte. Selon Aristote, le mécanisme de responsabilité peut également prendre effet dans l?irresponsabilité. Ainsi, si un individu en état d?ébriété provoque un accident ou commet un meurtre, Aristote suggère que, bien qu?étant irresponsable au moment des faits, celui-ci reste néanmoins responsable au moment où il prend la décision de boire. A partir de l?examen de l?état interne de l?individu, Aristote est amené à effectuer une dernière grande distinction. Celle-ci s?applique en l?occurrence à la différentiation entre détermination juridique et détermination morale de la responsabilité. La détermination juridique de la responsabilité s?appuie essentiellement sur les comportements répréhensibles et apparents du sujet sans se prononcer sur la personnalité de celui-ci. Elle se fonde uniquement sur l?extériorité de l?acte, autrement dit, le délit manifeste. La détermination morale de la responsabilité, quant à elle, marque l?intérêt d?un retour à l?identité propre du sujet qui a commis l?acte illicite, à savoir, son être et sa personnalité. Elle requiert, selon Aristote, l?intention de l?individu et implique la préméditation de l?acte. Elle suppose un choix délibéré et la connaissance anticipée des conséquences occasionnées par le comportement illicite. Aristote rapporte que l?acte dommageable suscité par les passions ou la colère n?implique pas la responsabilité morale de l?individu. Cet acte passionnel survient, en effet, sous l?impulsion. Il n?implique aucune anticipation ni préméditation. Il engage de ce fait la seule responsabilité juridique de l?individu.
En somme, la conception Aristotélicienne de la responsabilité se centre principalement sur les notions de volonté et de libre arbitre. Elle minimise l?effet des passions et suggère toute approche déterministe du comportement humain comme irrecevable. Les causes sont ainsi écartées au détriment d?un libre arbitre prédominant. Cette conception, encore maintenue aujourd?hui, a largement influencée les siècles qui lui ont succédés. L?un des relais majeur de la perspective aristotélicienne se retrouve en l?occurrence dans les positions des philosophes du haut Moyen âge.

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